Réécriture

Publié le par lefrancaispourlesniais

scène II Acte I

 

Antiochus, seul

 

Eh bien, Antiochus, es−tu toujours le même ?
Pourrai−je, sans trembler, lui dire : "Je vous aime ? "
Mais quoi ? déjà je tremble, et mon coeur agité
Craint autant ce moment que je l'ai souhaité.
Bérénice autrefois m'ôta toute espérance ;
Elle m'imposa même un éternel silence.
Je me suis tu cinq ans, et jusques à ce jour,
D'un voile d'amitié j'ai couvert mon amour.
Dois−je croire qu'au rang où Titus la destine
Elle m'écoute mieux que dans la Palestine ?
Il l'épouse. Ai−je donc attendu ce moment
Pour me venir encor déclarer son amant ?
Quel fruit me reviendra d'un aveu téméraire ?
Ah ! puisqu'il faut partir, partons sans lui déplaire.
Retirons−nous, sortons, et sans nous découvrir,
Allons loin de ses yeux l'oublier, ou mourir.
Hé quoi ? souffrir toujours un tourment qu'elle ignore ?
Toujours verser des pleurs qu'il faut que je dévore ?
Quoi ? même en la perdant redouter son courroux ?
Belle reine, et pourquoi vous offenseriez−vous ?
Viens−je vous demander que vous quittiez l'empire ?
Que vous m'aimiez ? Hélas ! je ne viens que vous dire
Qu'après m'être longtemps flatté que mon rival
Trouverait à ses voeux quelque obstacle fatal,

Aujourd'hui qu'il peut tout, que votre hymen s'avance,
Exemple infortuné d'une longue constance,
Après cinq ans d'amour et d'espoir superflus,
Je pars, fidèle encor, quand je n'espère plus.
Au lieu de s'offenser, elle pourra me plaindre.
Quoi qu'il en soit, parlons : c'est assez nous contraindre.
Et que peut craindre, hélas ! un amant sans espoir
Qui peut bien se résoudre à ne la jamais voir ?

Hé bien ! Antiochus, tu es toujours le même ?
Pourrais-je, sans craindre, lui dire : «Je vous aime ?»
Mais quoi ? Déjà je tremble, et mon cœur angoissé
Craint autant ce moment que j'attendais.
Bérénice autrefois m'écartait toute espérance ;
Elle m'imposa même un éternel silence.
Pendant cinq ans je me suis tus, et jusques à ce jour,
D'un voile d'amitié j'ai couvert mon amour.
Dois-je croire qu'au rang où Titus la destine
Elle m'écoute mieux que dans la Palestine ?
Il l'épouse. Ai-je donc attendu ce moment
Pour me venir encore déclarer son amant ?
Quel bonheur me reviendra d'un aveu dangereux ?
Ah ! Puisqu'il faut partir, partons sans lui déplaire.
Retirons-nous, sortons ; et sans montrer nos sentiments,
Allons loin de ses yeux l'oublier, ou mourir.
Hé quoi ? Souffrir toujours un tourment qu'elle ignore ?
Toujours verser des pleurs qu'il faut que je mémorise ?
Quoi ? Même en la perdant redouter sa fureur ?
Belle reine, et pourquoi vous offenseriez-vous ?
Viens-je vous demander que vous quittiez l'empire ?
Que vous m'aimiez ? Hélas ! Je ne viens que vous dire
Qu'après m'être longtemps vanter que Titus
Trouverait à ses vœux quelque obstacle mortel,
Aujourd'hui qu'il peut tout, que votre union s'avance,
Exemple infortuné d'une longue amitié,
Après cinq ans d'amour et d'espoir inutile,
Je pars, fidèle encor quand je n'espère plus.
Au lieu de s'insulter, elle pourra me craindre.
Quoi qu'il en soit, parlons : c'est assez nous contraindre.
Et que peut craindre, hélas ! un amant sans espoir
Qui peut bien se résoudre à ne la jamais voir ?

 

 

GESTIN Yannick

Publié dans Bérénice de Racine

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