Réécriture

Publié le par lefrancaispourlesniais

Scène V, Acte II

 

Bérénice, Phénice

 


Pièce originale (XVIIème siècle)

Réécriture (XXIème siècle)

 Bérénice

 

 Quoi ? Me quitter sitôt, et ne me dire rien ? Chère Phénice, hélas ! Quel funeste entretien ! Qu'ai-je fait ? Que veut-il ? Et que dit ce silence ? 

Quoi ? Me quitter maintenant, et rien me dire ?

Chère Phénice, hélas ! Quelle mauvaise conversation!

Qu’est-ce que j’ai fait ? Que veut-il ? Et que signifie ce silence ?

 Phénice 

 

 Comme vous je me perds d' autant plus que j' y pense. Mais ne s'offre-t-il rien à votre souvenir Qui contre vous, madame, ait pu le prévenir ? Voyez, examinez. 

Comme vous je m’y perds encore plus à mesure que j’y pense.

Mais ne s’offre-t-il rien à votre souvenir qui d’autre que vous, Madame, peut le prévenir ?

Regarder, examinez.

 Bérénice

 

 Hélas ! Tu peux m'en croire : Plus je veux du passé rappeler la mémoire, Du jour que je le vis jusqu'à ce triste jour, Plus je vois qu'on me peut reprocher trop d' amour. Mais tu nous entendais. Il ne faut rien me taire. Parle. N' ai-je rien dit qui lui puisse déplaire ? Que sais-je ? J' ai peut-être avec trop de chaleur Rabaissé ses présents, ou blâmé sa douleur. N' est-ce point que de Rome il redoute la haine ? Il craint peut-être, il craint d' épouser une reine. Hélas ! S' il était vrai... Mais non, il a cent fois Rassuré mon amour contre leurs dures lois ; Cent fois... Ah ! Qu'il m' explique un silence si rude : Je ne respire pas dans cette incertitude. Moi, je vivrais, Phénice, et je pourrais penser Qu'il me néglige, ou bien que j' ai pu l' offenser ? Retournons sur ses pas. Mais quand je m' examine, Je crois de ce désordre entrevoir l' origine, Phénice : il aura su tout ce qui s' est passé ; L' amour d' Antiochus l'a peut-être offensé. Il attend, m' a-t-on dit, le roi de Comagène. Ne cherchons point ailleurs le sujet de ma peine. Sans doute ce chagrin qui vient de m' alarmer N' est qu'un léger soupçon facile à désarmer. Je ne te vante point cette faible victoire, Titus. Ah ! Plût au ciel que sans blesser ta gloire Un rival plus puissant voulût tenter ma foi, Et pût mettre à mes pieds plus d' empires que toi, Que de sceptres sans nombre il pût payer ma flamme, Que ton amour n' eût rien à donner que ton âme ! C' est alors, cher Titus, qu'aimé, victorieux, Tu verrais de quel prix ton coeur est à mes yeux. Allons, Phénice, un mot pourra le satisfaire. Rassurons-nous, mon coeur, je puis encor lui plaire : Je me comptais trop tôt au rang des malheureux. Si Titus est jaloux, Titus est amoureux. 

Hélas ! Crois-moi

Plus je me rappelle du jour où je le vis à aujourd’hui,

Plus je vois que l’on me reproche trop d’amour.

Mais tu nous as entendus, ne me mens pas.

Parle. Ai-je dit quelque chose qui puisse lui déplaire ?

Je n’en sais rien. J’ai peut-être avec trop d’enthousiasme rabaissé ses cadeaux ou désapprouvé sa douleur.

Mais ce n’est pas de Rome dont il redoute la colère ?

Il craint, peut-être, il craint de m’épouser.

Hélas ! Si c’était le cas…. Mais non, il a cent fois rassuré mes sentiments contres leurs lois.

Cent fois. Ah ! Qu’il m’explique son long silence.

Je ne peux vivre dans cette incertitude

Moi, je vivrais, Phénice ? Et je pourrais penser

Qu’il me néglige, ou bien que j’ai pu le blesser ?

Retournons là-bas. Mais quand je me regarde

Je crois savoir d’où il vient, le silence de Titus,

Phénice : il sait tout ce qui s’est passé ;

L’amour d’Antiochus l'a peut-être vexé

Il parait qu’il attend le roi de Comagène.

Ne cherchons pas ailleurs la source de mes soucis.

C’est sans doute la mauvaise humeur.

C’est une victoire dont je ne te vante pas,Titus.

Ah ! Plut aux dieux que, sans blesser ta gloire,un rival plus puissant voulût éprouver ma fidélité et pût mettre à mes pieds plus d’empires que toi ;

Avec combien de victoires il aurait pu me rendre amoureuse,

tandis que ton amour n’aurait rien à donner que ton âme.

C’est alors mon cher Titus qu’aimé, victorieux, tu verrais combien je tiens à toi

Allons Phénice, un mot pourra le combler.

Rassurons-nous, je peux encore lui plaire,

Je me croyais trop tôt malheureuse.

Si Titus est jaloux, il est amoureux.

 

DERRIEN Yoann

Publié dans Bérénice de Racine

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